Roger Langevin recevant la Médaille de l'Assemblée nationale du Québec en compagnie du député de Rimouski, Harold Lebel |
Un autre membre de l’Ordre du Bleuet reçoit la médaille de l’Assemblée nationale. Le 29 juin dernier, Harold Lebel, député de Rimouski, honorait huit citoyens de Rimouski, dont le sculpteur et auteur Roger Langevin.
Dans le journal L’Avantage, fondé par Jean-Claude Leclerc, également récipiendaire de la médaille, on peut lire cette citation du député : « C’est la dernière fois que je ferai une apparition publique, soulignait-il, avant la fin de mon mandat pour récompenser des gens qui m’ont touché, et les médaillés ce soir ont tous en commun leur grande sensibilité. »
Ému de cet hommage rendu, le sculpteur Roger Langevin, originaire de La Dorée (Lac-Saint-Jean) a prononcé l’allocation suivante :
Cher Député, chers amis,
Ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit une médaille…la chose est un peu gênante, encore plus si on doit y aller d’un bref discours devant public. J’aimerais donc mieux! en tête à tête avec toi, Harold, te dire à quel point ton geste me va droit au cœur.
Non pas que je ne sois pas heureux de l’environnement humain chaleureux dans lequel je me retrouve en ce moment-même. Mais permettez- moi, mes chers amis, de vous répéter le propos que je tiendrais à notre député si j’étais seul avec lui. Je commencerais par lui dire à la blague le regret que j’ai que cette médaille en métal ne puisse être divisée en plusieurs pointes comme le serait par exemple une tartelette aux pommes, au sucre, ou de préférence aux bleuets, en référence à mes origines, moi qui vient du Lac-St-Jean.
Comme sculpteur, j’en donnerais une première pointe à mon ami Jacques Bodart, ce designer formé en Belgique, et arrivé à ma rencontre au moment où j’en avais le plus besoin, au tournant de l’an 2000, alors que j’étais sur le point d’entreprendre le Trimural. «Vous êtres un ange tombé du ciel » que je lui avais dit, la première fois que je l’ai vu. Et pendant les dix années suivantes, nous avons travaillé, côte-à-côte dans son atelier, rue Laval, juste en face de chez-moi. J’ai pu ainsi profiter amplement de ses connaissances.
Plus particulièrement, je lui dois de m’avoir inventé un produit merveilleux à base de résine et de silice qui se travaille comme de l’argile et qui rapidement devient dur comme de la pierre. Voilà le plus grand cadeau qu’il m’ait fait sans lequel je n’aurais jamais pu produire autant d’œuvres monumentales depuis ma retraite de l’enseignement en 2015.
La seconde pointe de la médaille c’est à mon fidèle assistant, Jean François Beaulieu que je la donnerais. En plus de 50 ans de métier, j’en ai connu de bons assistants! Mais ce Jean- François dépasse tous les autres par ses qualités sur le plan physiques d’abord : il est fort, agile, rapide, et sur le plan du caractère, il ponctuel, vaillant attentif et… toujours joyeux, de plus avec un sens de l’efficacité comme seuls les gars de shop peuvent en avoir. Vous ne pouvez pas savoir le bonheur que j’ai d’entendre chaque matin, en approchant de l’atelier le bruit de la sableuse électrique. Comme si mon œuvre se poursuivait toute seule en mon absence. Nous parlons peu au travail, comme de simples ouvriers, absorbés que nous sommes par ce que nous avons à faire chacun de son bord, le manœuvre et l’artiste. Tout comme à l’usine, on jase un peu à l’heure de la pause. Il me faisait l’autre jour cette confidence à savoir que nous avions été tous les deux servis par la chance, de nous être trouvés, moi le sculpteur qui cherchais un bon assistant et lui, le débosseleur qui cherchait un bon patron.
La chance! La chance! On entend dire souvent qu’on la fabrique sa chance… Il y a un peu de vrai dans ça. Mais si je regarde en arrière, je suis bien obligé de constater que ma passion pour la sculpture monumentale n’aurait pu, seule, m’amener à réaliser autant d’œuvre, sans de nombreuses chances qui me sont arrivées comme des cadeaux de la vie.
Pour continuer sur la métaphore d’une médaille mangeable, j’en garderais une bonne bouchée pour ma douce épouse, Monique, elle qui, au cours de tant d’années a embellit ma vie. Merci chers amis de m’avoir écouté vous lire ce texte-là, moins indigeste, et surtout plus court que celui que j’aurais pu vous servir en vous parlant librement. Je me connais! Surtout, merci à toi mon cher Harold, merci pour tout.